Les dossiers de Mimile La vengeance du balai
Notre ingratitude m'émeut et m'indispose. Au point de vouloir réhabiliter dans nos consciences amnésiques les laissés pour compte et mal aimés de notre univers quotidien. Je vous ai parlé récemment du portemanteau, je brûle aujourd'hui de rendre un hommage appuyé à l'un de nos plus fidèles compagnons : le balai. D'autres sujets tout aussi passionnants suivront tels que la brosse à dents, la chasse d'eau, la lunette de WC, le gant de toilette, les chaussettes, le slip, le peigne, le coton tige, la chaise, l'oreiller, le papier hygiénique et bien d'autres qui méritent tous une attention toute particulière.
En attendant, revenons à notre bon vieux manche à poils. Le Petit Robert nous le décrit comme un « ustensile composé d'un long manche auquel est fixé un faisceau de brindilles, de crins ou une brosse à longs poils et qui sert à enlever la poussière, à pousser des détritus, des ordures. ». Voilà pour les puristes. Tout ceci n'est guère prestigieux, direz-vous, comparé aux joyaux de la couronne. Certes. Mais imaginez un seul instant ce que seraient nos existences sans ce serviteur dévoué. Avez-vous déjà essayé de balayer votre cuisine avec une rivière de diamants ou une paire de boucles d'oreille Dior? Que seraient nos chaumières, nos avenues, nos couloirs de métro sans la discrète et laborieuse intervention de ces millions de bienfaiteurs anonymes qui arpentent jour après jour notre asphalte et nos carrelages ?
Et sommes-nous pour autant reconnaissants ? Que nenni. On a tenté maintes fois, au contraire, de l'assassiner et comme bon nombre d'objets ancestraux, le balai a du subir au cours de son histoire les attaques insidieuses de la modernité. Les années 50 dédiées tout entières au culte naissant de l'électroménager, préfigurant la ménagère « libérée » d'aujourd'hui, l'avaient irrémédiablement condamné, relégué dans « son » placard, derrière l'aspirateur qui le snobait du haut de sa bedaine bien nourrie avec ses tuyaux d'inox rutilants. Mais le balai a résisté vaillamment, comme l'ont fait pendant des siècles ses ancêtres fauberts, gorets ou vadrouilles affectés à l'évacuation des vomissures et de la tripaille sur les ponts des navires ballottés par les conflits et les tempêtes. La vie de balai n'est pas toujours un long fleuve tranquille. Songez au travail peu ragoûtant du balai de chiottes, pour ne citer que celui là! A ce titre, ce résistant de la première heure, ce combattant infatigable mériterait bien la médaille des anciens combattants et la croix de guerre. Sans compter celle du travail et de l'abnégation qui sont habituellement remportées après 20 ou 25 ans de bons et loyaux services par ceux qui les pilotent. Car le pilotage d'un balai est aussi affaire de professionnels et requiert des techniques normées et éprouvées. D'avant en arrière, d'arrière en avant, sur le côté, entre la méthode du « poussé franc et massif », du « traîné nonchalant » et du « glissé biaisé sautillant », la technique confine parfois à l'art. On peut d'ailleurs à ce stade de la discussion, se poser une question fondamentale : pourquoi les techniciens de surface ne bénéficieraient-ils pas de compétitions de balai à l'instar des footballeurs professionnels ? On en voit parfois qui sont capables d'excellents coups francs.
Il est curieux de constater que le balai a finalement conquis ses titres de noblesse dans l'aviation, les bals populaires, les courses cyclistes, et plus encore dans les entreprises et les milieux politiques où l'expression « du balai » a relégué à son tour l'aspirateur au fond du placard. Un juste retour des choses pour un ami qui, au départ, ne nous voulait que du bien. Con, le balai? La vengeance est un plat qui se mange froid.
Le conseil de Mimile
Bien choisir son balai
Balai à poils durs(crin, paille...): licenciements collectifs, élections régionales...
Si vous rentrez fréquemment au domicile conjugal à 5 heures du mat, optez plutôt pour un balai à poils mous( brindilles, soie...)
Attention: utilisez votre manche à balai exclusivement pour les fonctions qui lui sont dévolues. Toute autre utilisation, en sus du ridicule de la situation, peut s'avérer dangereuse.